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K-ractères n°9


Chers lecteurs, chères lectrices,

C'est avec malheureusement un petit peu de retard que nous nous retrouvons, et je rassure d'emblée tout ceux qui auraient pu en douter: le K-ractères est en vie, et le restera je l'espère encore longtemps, cette interruption n'étant que l'équivalent d'un petit virus, dont il s'est d'aileurs fort bien remis.

En parlant de maladies, cette gangrène qui fait des ravages dans notre société actuellement, aussi connue sous le nom de sexisme, est aussi l'un des sujets principaux de ce numéro... Si vous appréciez les envolées lyriques passionnées et révoltées, sans aucun doute l'article Lettre aux filles est fait pour vous!

Le concours de nouvelles, organisé par l'équipe de rédaction du K-ractères, a été un franc succès, avec un total de 6 participants, dont le jury a sélectionné les trois meilleurs pour les soumettre directement à votre jugement. En fin de numéro, vous pourrez donc lire les trois meilleures nouvelles du concours, et voter pour celle que vous aimeriez voir gagner! L'élément-clef qui se devait d'être au centre de la nouvelle était l'annexe du LFKL, ce lieu où nous les lycéens passons le plus clair de notre temps en semaine...

Pour finir, je vous laisse en compagnie de deux autres articles, l'un étant la suite du "mémo-culture" de la dernière fois, et l'autre une explication intéressante sur l'origine des bananes telles que nous les connaissons, évidemment accompagné d'une bonne dose d'humour.

Sarah R.

SOMMAIRE:

I- Mémo-Culture, par Laurène B.

II- L'épopée du banana split, par Clémentine N.

III- Lettre aux filles, par Sophie R.

IV- Concours de nouvelles

par Laurène B.

DALIDA

Connaissez-vous cette chanteuse Italienne née en Egypte et ayant fait succès en France puis aux Etats-Unis ? En effet, Iolanda Cristina Gigliotti, dite Dalida, fut l’une des chanteuses les plus marquantes de sa génération. Née le 17 janvier 1933 au Caire, elle commence sa carrière dans le cinéma et le mannequinat (élue Miss Egypte en 1954).

À 21 ans, elle s’installe en France pour tenter sa chance en tant qu’actrice. Très vite, elle s’oriente vers la chanson. Son premier vrai titre est Bambino et, écrit en 1956, il fait rapidement succès. Sa voix chaude et son accent exotique plaît au public français, elle collabore alors avec plusieurs chanteurs et compositeurs comme Charles Aznavour ou encore Gilbert Bécaud.

Dalida change plusieurs fois de style musical afin de satisfaire également son jeune public, elle est d’ailleurs l’une des premières artistes françaises à s’initier au disco (titre disco de Dalida : Besame Mucho).

Dalida a, tout au long de sa vie, des soucis familiaux et amoureux compliqués. Elle tomba plusieurs fois dans la dépression. Le 3 mai 1957, après la mort de son compagnon Luigi Tenco, Dalida se suicide. Elle a alors 54 ans.

Ses titres les plus connus :

-« Mourir sur scène », 1983

-« Il venait d’avoir 18 ans », 1973

-« Laissez-moi danser » , 1979

L'épopée du banana split...

par Clémentine N.

La banane bio ? Rien de plus naturel, me diriez-vous. Et pourtant… vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le fruit préféré des minions n’a pas de graines alors que ses cousines sauvages en sont pleines ? Sacré pépin pour se reproduire dans la nature…mais aubaine pour l’Homme !

Pour mieux comprendre pourquoi le fruit que nous trouvons dans les supermarchés est charnu et parfaitement stérile, penchons-nous sur son caryotype, autrement dit la classification de ses chromosomes par paires homologues. Un simple coup d’œil permet de se rendre compte d’une anomalie majeure : alors que les êtres vivants sexués possèdent en général des paires de chromosomes, la banane cultivée, elle, en en a trois de chaque (11 trios de chromosomes homologues). Dans le jargon scientifique, on nomme cette sorte de super-trisomie la triploïdie.

Mais qu’est-ce que cela implique ?

Les bananes domestiquées, plus charnues et sucrées que leurs cousines sauvages, sont stériles à cause de leur nature triploïde. En effet, si vous vous vous rappelez vos cours de collège, les cellules germinales (autrement dit les cellules sexuelles) ne peuvent exister que chez des individus diploïdes (qui ont des paires de chromosomes). Or, qui dit absence de cellules sexuelles, dit, pour les fruits, graines soit absentes soit au stade embryonnaire. Avantageux, lorsque l’on sait que les bananes sauvages sont composées presque essentiellement de graines, ayant ainsi un intérêt alimentaire limité. La banane domestiquée, qui produit des fruits de grande qualité nutritionnelle mais parfaitement stériles, a peu de chance de voir son espèce se perpétuer dans la nature.

C’est là qu’intervient l’Homme. Il y a 10000 ans de cela, en Nouvelle-Guinée, l’Homo Sapiens, nouvellement sédentaire et qui aime de moins en moins les pépins (dans tous les sens du terme), domestique les bananes sauvages en sélectionnant celles qui ont le moins de graines. S’ensuit un processus d’hybridation de la banane en Asie du sud-est qui aboutit à la création d’une première espèce triploïde. Au même moment, en Afrique de l’Est, l’engouement pour la banane (décidément très appréciée par l’homme du néolithique) conduit au même phénomène. Eh oui, il s’agit de notre second foyer d’apparition de la banane moderne !

Cependant, la banane cultivée et sa triploïdie ne sont que des gouttes d’eau dans l’océan d’espèces que l’Homme a créées. Et je ne parle pas ici d’OGM, mais d’un processus aussi vieux que l’agriculture. En effet, les sélections successives des membres d’une espèce sur des milliers d’années finissent par avoir des répercussions au niveau génétique. Ainsi, l’Homme change les processus de sélection naturelle et de dérive génétique pour satisfaire son estomac.

La banane bio, au même titre que la tomate du jardin de mémé, ne peut donc pas être qualifiée de « naturelle », car elle n’existe pas dans la nature. Si, malgré tout, vous tenez réellement à manger des produits « naturels », je vous invite à faire un tour dans la jungle la plus proche. Conseil d’ami : veillez à ce qu’il y ait un supermarché à proximité, au cas où vous changeriez d’avis!

Lettre aux filles,

par Sophie R.

En mars 2018, l’auteur Jack Parker a publié un roman intitulé Lettres à l’ado que j’ai été, un recueil de vingt-huit lettres écrites par des célébrités françaises comme Marion Seclin, Lucien Maine ou encore Julien Ménelle à l’ados qu’ils étaient. Charmée par ce concept, j’ai voulu à mon tour écrire à mon moi du passé. Mais à part prévenir la Sophie-de-six-ans qu’elle allait se casser le poignet pendant l’été, je n’avais pas grand-chose à dire.

J’ai donc décidé d’écrire une lettre aux filles comme moi, du même âge, de même origine et avec les mêmes interrogations, et voilà le résultat :

À toi, une fille comme les autres,

Si tu lis ça c’est que tu vis dans à peu près la même société que moi et que tu as sûrement les mêmes problèmes que moi...

Premièrement, sache que tu as de la chance. En Inde tu serais déjà mariée avec des enfants. Au Cameroun ta mère t’aurait sûrement repassé les seins pour éviter que tu te fasses violer. En Arabie Saoudite tu ne pourrais pas sortir sans ton père ou ton frère. Donc sois contente, mais n’oublies pas que chez nous il y a tout de même des injustices, tout n’est pas encore acquis.

Reprenons l’exemple du viol, la situation chez nous n’est bien sûr pas aussi extrême qu’au Cameroun mais tout de même, d’après le haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 16 % des femmes en France disent déjà avoir été victimes de viols ou tentatives de viol et une femme sur dix de moins de vingt ans a déjà été touchée par une agression sexuelle. De moins de vingt ans, donc encore presque des enfants dont le corps a été sexualisé! Aucune excuse n’est valable. « Non mais t'as vu comment elle s’habille ? Elle le cherche aussi... » Eh bien non, crois-moi, aucune femme ne veut être harcelée dans la rue. Aucune femme ne chercher à être violée.

C’est clairement un problème d’éducation, et là tu peux faire quelque chose, tu peux dire aux gens autour de toi que ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal de juger la valeur morale d’une fille à la longueur de sa jupe, ni à son maquillage, ni à son comportement.

Mais ce problème n’est pas uniquement masculin, le « slut-shaming » est tout aussi répandu entre filles, c’est certes moins violant mais tout aussi malsain. Parce que non,traiter une fille de « pute » parce qu’elle porte un short très court, ce n’est pas correct. Donc s’il te plaît n’utilise plus jamais « salope » ou « pute » pour insulter la camarade que tu n’apprécies pas. « Non mais ce n’est pas ce que je veux dire, ce n’est pas vraiment une pute, c’est juste que je ne l’aime pas, c'est tout. » Mais alors n’utilise pas le mot « pute »! Il est dégradant, je suis sûre que tu peux trouver pleins d’autres insultes si tu y tiens vraiment.

Je sais, ce n’est pas facile d’être une fille, crois moi je sais de quoi tu parles. Cet idéal de beauté inaccessible, j’en souffre tout autant que toi. Alors pourquoi on ne l’abolit pas ? Pourquoi on ne va pas crier haut et fort que toutes les femmes sont belles peu importe leur couleur de peau, peu importe la texture de leurs cheveux et peu importe la taille de leurs seins ? C’est une bonne question à laquelle je n’ai malheureusement pas de réponse mais si tu veux, si tu as le courage tu peux être, toi, celle qui va changer les esprits, tu peux être l’initiatrice d’un mouvement contre cet idéal. Je t’y encourage vivement et suis certaine que si on se met toutes ensembles on peut arriver à quelque chose, ne perds pas espoir !

J’aimerais clore cette lettre en te disant d’essayer de changer tout ça, en te disant qu’il est enfin le temps d’établir la parfaite égalité homme/femme car n’oublions pas que, d’après l’Insee, les femmes gagnent encore 10% de moins que les hommes pour le même travail.

Et pour terminer, promets-moi de ne jamais trouver normal qu’une femme se fasse agresser si elle porte une mini-jupe, de ne jamais trouver normal que les femmes soient inférieures aux hommes. Tu promets ?

Une fille comme les autres :)

Concours de nouvelles

Première nouvelle:

Les Chroniques de Jean-Pierre

C'était le 1er septembre 2017, et comme tous les ans à cette période, Jean-Pierre se dirigea vers le LFKL. Mais cette année-là un changement avait eu lieu, un changement auquel il ne s'attendait pas. En effet, le Lycée était devenu une forteresse impénétrable équipée de murs colorés et d'un double sas d'entrée. Malgré ces équipements imposants, Jean-Pierre aperçu des silhouettes de l'autre côté des murailles. Il se dit alors que ces êtres devaient être des singes, assez malins et agiles pour escalader ce mur qui semblait pourtant infranchissable. Ou peut-être était-ce des élèves de maternelle. Pour tout vous dire, il n'arrivait pas vraiment à faire la différence, ils étaient tous les deux aussi bruyants les uns que les autres. Ce matin-là, avant de partir pour son premier jour en tant que lycéen, il dit au revoir à sa multitude de frères et sœurs (Jean-André, Jean-Colette, Jean-Gilbert, Jean-Brigitte...) encore trop jeunes pour entrer au LFKL. A cette occasion, son grand-oncle, Jean-Gaston, lui donna des mots qui lui resterons à jamais dans sa mémoire ; "Mon petit scarabée, la vie est injuste, et tu comprendras pourquoi l'école nous apprends ce qu'est la vie". Après avoir traversé la frontière du lycée, Jean-Pierre entendis la sonnerie qui lui était si familière et se décida à entrer dans une classe.

Jean-Pierre était un élève très timide, il ne parlait jamais à personne, et personne ne venait lui parler puisqu'il ne se faisait jamais remarquer. En général, si quelqu'un se rendait compte de sa présence, cette personne le regardait bizarrement puis s'éloignait. Mais cela ne le dérangeait pas du tout, il ne se sentait pas seul. Au contraire, en se faisant petit comme une fourmi, Jean-Pierre pouvait observer tout ce qui se passait. En cours, il était silencieux, il écoutait tout ce qui se disait, même le professeur parfois. Par moments, il pouvait même entendre ce qui se disait dans les salles d'à côté. Mais cela était dû à son ouïe très fine, et pas du tout au fait que les murs soient à peine plus épais que son corps. Jean-Pierre admirait beaucoup les manuels numériques que l'un de ses enseignants utilisait. "C'est incroyable ! Se disait-il, Le nombre de ressources technologiques que le lycée possède est considérable."

Pendant les récréations, Jean-Pierre aimait beaucoup se balader dans tous les recoins du bâtiment. Il flânait généralement sous le préau, à côté du Babyfoot. C'était toujours si propre là-bas ! Et l'odeur qui flottait dans l'air de la zone lui était particulièrement agréable.

Il ne se promenait que rarement dans les couloirs car il y avait trop de gens qui encombraient le passage. Il se peut que vous l'ayez croisé un jour dans un couloir, mais c'était probablement à cause de la pluie qui formait un torrent diluvien sous le préau. Quand il avait une heure de libre, Jean-Pierre allait se reposer au foyer. C'était un lieu immense, très calme et toujours agréable, doté de plusieurs sièges très confortables. Il y avait même une grande étagère avec des livres en parfait état, les élèves étants très respectueux envers la littérature. La pièce maitresse de la salle restait le magnifique trône de professeur. Selon la légende, seule une personne ayant passé son master et les concours de l'éducation nationale peut obtenir le droit d'y reposer son fessier. Cette chaise serait également, selon les rumeurs, l'unique motivation dans la vie d'un enseignant. Quelle chance que le foyer soit si plein de ressources !

Etant demi-pensionnaire, Jean-Pierre déjeunait à la cantine du lycée. L'organisation de cette dernière était irréprochable. La queue était toujours courte et tout le monde attendait son tour patiemment. Les choix de nourriture étaient également très variés pendant la semaine. Cependant, contrairement au reste des élèves, Jean-Pierre n'aimait pas trop les plats proposés, qu'il trouvait mal cuits ou pas assez consistants.

Un jour, alors qu'il dégustait avec appétit un déjeuner à la cantine, il aperçut non loin de lui Jean-Marguerite. C'était une jolie jeune fille à la taille de guêpe, qui lui ressemblait beaucoup, étant elle-aussi très introvertie et plutôt furtive, assez pour ne pas trop se faire remarquer. On pourrait même dire qu'ils étaient faits l'un pour l'autre puisqu'ils étaient les seuls à se rendre compte de leur existence mutuelle. Au départ, ils se parlaient rarement, mais ils apprirent progressivement à se connaître. Ils passaient de plus en plus de temps ensemble, à discuter de la pluie et du beau temps, c'est à dire des deux seuls climats de ce pays.

C'est un après-midi, en attendant comme d'habitude sous le préau après avoir mangé, que Jean-Pierre comprit qu'il ressentait quelque chose pour elle. De nature timide mais impulsive, il décida de le lui dire dès la prochaine recréation. C'est lors de la fameuse pause de dix minutes et pas une de plus, entre 15:10 et 15:20, que Jean-Pierre décida d'avouer ses sentiments à Jean-Marguerite.

Il y a à l'Annexe une fontaine très spéciale qui a la particularité d'être la seule fontaine du lycée à avoir de l'eau froide. C'est bien sûr à cet endroit magique que Jean-Pierre décide de confesser ses sentiments à Jean-Marguerite. Tout se passait bien pour notre protagoniste, qui venait de dire à sa bien-aimée tout ce qu'il ressentait pour elle. Mais alors que la tension était à son comble dans l'attente d'une réponse, Jean-Marguerite disparu soudainement, telle emportée par un oiseau.

Choqué et impuissant face à cette situation, Jean-Pierre retourna se cacher dans le trou de désespoir qu'est sa maison. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé, ni pourquoi c'était arrivé. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il ne pourrait plus jamais voir sa dulcinée et qu'il n'avait plus de raison d'être. C'était le plus gros coup de cafard qu'il eut de sa vie. Pour la première fois, il se sentait seul, délaissé, perdu et insignifiant. Il ne voulait plus parler à personne, même pas aux membres de sa famille. Tout ce qu'il voulait, c'était cesser d'exister, quitter cette vie cruelle, dans l'espoir de retrouver un monde meilleur où il serait heureux.

Jean-Pierre décida alors de mettre un terme à ses souffrances. Ne voulant pas mourir écrasé par une voiture comme sa mère, il prit un sabre décoratif qui était chez lui. Ou était-ce juste un couteau ? Peu importe, il tenta de se couper la tête. Ce fut une grave erreur : il survécut un mois sans sa tête, dans d'atroces souffrances, avant de succomber à la douce étreinte de la mort.

Comment a-t-il survécu aussi longtemps me dites-vous ? C'est très simple, Jean-Pierre n'était pas un élève ordinaire : c'était un cafard, une jolie petite blatte. Et comme tous les cafards, il peut survivre plusieurs semaines après une décapitation et plusieurs heures sans respirer. Il pourrait même vivre sans problème en étant exposé à des radiations nucléaires. Comment une créature aussi étrange est-elle parvenue à entrer au LFKL ? Laissez-moi finir cette histoire en reprenant au tout début, lors du premier jour d'école de Jean-Pierre. Tout a commencé il y a 3 ans de cela, lorsque le lycée n'était pas aussi fortifié qu'à présent. C'est ce qui permis à notre héros de s'y infiltrer, en entrant à l'intérieur de la trousse d'un élève. Jean-Pierre s'en est échappé dès qu'elle fut ouverte. Il rode depuis dans les recoins du lycée, un lieu désormais hanté par le fantôme d'une blatte au cœur et au cou brisé.

Deuxième nouvelle:

Le petit dormeur de la cour

Aujourd'hui, ça fait au moins 4 ans que je suis au LFKL. Ou peut-être plus… ou moins. Je ne sais plus.

Mais la seule chose dont je suis sûr, c'est que tous les jours la température est la même qu'importe le lieu du moment qu'on est en Malaisie: il fait chaud .

Chaque matin je me lève inutilement trop tôt et chaque soir, je rentre inutilement trop tard. Ce matin n'est point différent des autres. Je me réveille, me lave et me prépare. Un "au revoir" à ma mère dans une langue qui m'était maternellement inconnu. Une fois dans l'ascenseur avec des gens qui m'étaient familièrement inconnus, je pense à une musique pour rendre mon téléphone obsolète. Parfois, c'est "For What It's Worth" de Buffalo Springfield et parfois c'est autre chose. Mais le plus souvent c'est un son indescriptible qui sonne dans mon ciboulot. C'est une symphonie scintillante qui s'accorde avec le souk matinal. C'est dingue. C'est indescriptible et pourtant on lui donne un nom en un mot: silence. Moi je lui en donne un en trois : silence de l'esprit. Et oui car même si j'ai un "radio-cerveau", cela ne m'empêche pas d'entendre les gosses à l'avant du bus pleurer pour leur maman.

Dans le bus, j'écoute la conversation des autres car je n'ai personne à qui parler, et les rares "bonjour" qu'on m'accorde je ne les renvoie pas. Trop fatigué ou alors parce que je n'ai pas envi. C'est dérangeant de parler à des inconnus. Une fois dans le bus on voit se dérouler sous nos yeux un paysage urbain-malais. C'est-à-dire, pas très gai.

Arrivé à l'école ou à l' "annexe" comme on dit dans le milieu, je regarde les autres rejoindre leurs amis avec rires et sourires. Ils ont l'air bien contents. Pour ce qui me concerne je n'ai pas d'amis. J'ai des "potes". Dont leur spécialité est, de me planter un coup de couteau dans le dos. Ils veulent devenir mes amis. Mais je veux pas car je n'ai pas envi. Rarement je leur accorde le salut de ma présence. La plupart du temps, je vais à mon casier pour décharger mes affaires et dormir un petit coup par terre. Une sorte de dernière tentative pour rejoindre le monde des rêves.

Quand soudain vient l'heure, c'est-à-dire huit heure, les élèves ainsi que moi-même, entrons dans nos classes respectives accueillis par un prof au grand sourire. Les cours commencent. Les professeurs semblent bien savoir faire leur boulot. L'un d'entre eux nous a fait un discours paternel sur les bienfaits de l'éducation. Tandis qu'un autre nous dit l'inverse. C'est vrai qu'ils

savent bien se défendre. On voit bien que ce sont des profs . Ou alors des morts qui parlent d'autre choses que leur cours pour essayer de vivre.

Les élèves aussi semblent bien se défendre, surtout quand il s'agit de défendre leurs petits privilèges avec des grands mots. C'est impressionnant de voir cette monstrueuse vague de mots lancés par des jeunes gens qui se croyaient être des Hommes se déchainer sur les falaises de contre-arguments venant du maitre ou des autres élèves. L'école est donc bien un charivari de cirques ironiquement grandioses.

"OUIIIIIIINNNNN"

J'ai été comme vous quand j'ai entendu la sirène. J'ai d'abord cru que les bébés de la maternelle ce sont tous mis à faire la grève (à force on s'y habitue). Mais non, c'était l'alarme anti-terroriste. Et à ce moment là, la classe devient avec une discipline comparable à celle des légions romaines, aussi silencieuse qu'un cimetière et aussi camouflée qu'un caméléon. C'était bien organisé tout de même. Après quelques minutes de silence, les lumières sont rallumés (parce qu'avant elles étaient éteintes) et le brouhaha d'écoliers recommença.

Mais chaque avarie à son accalmie. Et là, la classe est rempli d'un silence grandiose à l'exception de quelques petits bavardages. C'est là que me revient ce "silence". C'est là que je me rend compte de ma situation: je suis seul. 4 ans que je vis sur ces terres ardentes pour être aussi isolé qu'une ile. 4 ans que je n'ai pas d'amis. 4 ans de solitude. 4 ans de… . Et comme par hasard, mon sourire fond à la lueur des tropiques. Je veux partir.

"Ca va?"

Ca y est c'est le mot de trop. Qu'est ce que cette perfide bouche croyait? Que j'adore souffrir? Non ! Je ne pense pas que "ça va" quand on se lève le matin d'un air mélancolique pour se dire que la journée serait peut-être PIRE! Non! Je ne crois pas que dormir pour revivre un lendemain aussi présent qu'aujourd'hui donne envie de DORMIR. NON! Je ne pense pas que j'aime avoir mes oreilles caressées par les braillements de GAMINS! NON! Je ne pense pas que j'aime être SEUL. NON! Je ne pense pas aimer être seul, ni de voir des moulins à paroles qui m'enseigne, ou d'égoïstes petits élèves avec un ego aussi grand que n'importe quel gratte-ciel! NON! Ca ne va pas car je m'ennui !Mais alors je m'ennui dans cette foule ambiante qu'on appelle la classe! Oui je suis un élève qui ne pense pas comme les autres et alors? Oui je suis jaloux de vos joies et de vos rires alors que moi je suis illuminé par ma solitude physique et mentale. Et alors? Oui je déteste cette annexe, qui me sert de salle de torture pour me

rappeler que mon existence vaut rien en me faisant vivre avec des gens HEUREUX! J'en ai marre de cette communauté lycéenne qui est gouverné pour les "populaires" pour les "populaires"! J'en ai marre de ce mur invisible qui sépare les "Francophones" (les populaires) et "Anglophones" (les déchets de la société)! Oui je crache ma haine et mon envie de vous foutre une sur la tronche ! Ces mêmes gueules à qui je voulais leur appliquer une chirurgie sanglante avec la musique "Ode à la joie" de Beethoven car c'est bien dans la mort que les Hommes deviennent frère! Quand est-ce qu'on pourra enfin vivre sans l'aide de sourires artificiels et être soi-même? Car c'est bien comme ça qu'il faut vivre à la maison, à l'école et partout ailleurs!

Je hais le LFKL! Que celui qui pense autrement me jette la première pierre. Je vous hais TOUS! Et maintenant dites moi encore si "ça va?"!

C'était ma réplique à cette question. J'étais peut-être un peu fatigué et je crois en avoir fait un peu trop. Curieusement, même si tout le monde me regarde comme si j'avais commis un meurtre, je me sentais soulagé. Les haut-parleurs nous chantent déjà le début de la récré.

Une fois sorti, je semble être le seul qui est en train de sourire. Je m'assois quelque part par terre et je sors mon livre préféré dont l'auteur porte un pseudonyme qui utilise l'avant-garde de la grammaire Française: L'Odieux Connard. Finalement je remet mon livre dans mon sac. Je n'ai pas envi de lire.

Je met ensuite mes écouteurs pour écouter de la musique pour me distraire. C'est "le festin" de Camille que j'écoute. J'aime bien cette musique. C'est vrai qu'on a pas de besoin de grand-chose au lycée pour être content. Finalement elle est pas si mal que ça l'annexe. Je commence même à apprécier ma solitude. Il me semble avoir entendu un petit son "ouin". Je ne fais pas trop attention car ça pourrait très bien être mes écouteurs qui sont mal réglés. Cela m'est bien égal. Je vois autour de moi les élèves courir dans tous les sens. Typique de l'atmosphère de l'annexe. Une fille m'appelle et me parle d'un ton pressant. Elle est mignonne. Elle est jolie. Ca me fait chaud au cœur qu'on puisse avoir l'air si sincère avec moi. Je n'ai pas saisi ce qu'elle a dit mais j'ai retenu mon nom et le mot "test". Je lui ai dit que j'allais bien et puis elle est partie aussi vite qu'elle est apparue. Les autres aussi étaient descendus rapidement en bas en sortant des classes.

Je me suis dit que peut-être qu'un jour, je devrais arrêter de décortiquer les jolies filles de mon regard et passer à l'action. Et qui sais? Peut-être que je dirais à quelqu'un "je t'aime". Je pourrais peut-être vivre "au naturel" sans avoir à porter le masque que m'impose la société.

C'est ainsi que j'ai remarqué une silhouette noire derrière moi. Je me suis retourné. On était face à face. C'était un gars en noir très anxieux. Il avait presque l'air mécontent. Probablement à cause de ce fameux test. C'est dingue que des bouts de papiers stressent les individus. Je crois qu'il a marmonné quelque chose mais je ne voulais pas enlever mes écouteurs. Alors calmement avec un sourire timide je lui dis: "T'inquiètes. Tout va bien se passer."

Je me suis retourné et tout d'un coup, j'avais froid. La musique a changé, c'était la "Danse de la Fée Dragée" de Tchaïkovski. Du coup puisque j'avais froid et que c'était la récréation. Je me suis paisiblement affalé par terre en me positionnant comme un fœtus. J'avais une de ces fatigues. Fallait vraiment que je pense à dormir. A cause de mes paupières qui deviennent lourdes, je vois mal. Mais je regarde discrètement derrière moi et je crois que le bonhomme en noir se fait retenir par deux de ses copains en bleu. Le pauvre il devrait être terriblement stressé. J'oublie ce qu'il y a derrière moi et je ferme les yeux. Je n'entend plus ma musique. Faut pas que je dorme trop longtemps ou sinon je risquerai de rater les cours.

Faute de rêves en stock, je pense à tout et à n'importe quoi. J'aimerais tellement donner un sourire pour tout le monde, de connaitre l'amour, d'avoir des amis, de dire à mes potes qu'ils sont mes amis, de connaitre la joie et par-dessus tout j'aimerais dire à mes parents malgré nos conflits quotidiens que je les aime. Finalement, il fait bon de vivre un petit coup pour faire ces choses banales. Alors je souris.

J'entend la 9ème symphonie de Beethoven: Ode à la joie… .

*

"-Messieurs mesdames bonjour, nous interrompons notre programme habituel pour vous dire les dernières nouvelles de la Malaisie. Un attentat revendiqué par l'état islamiste a été commis au LFKL . En effet, la police Malaisienne est arrivée à temps à l'école, mais trop tard pour empêcher les terroristes de commettre leurs actes de folies. En effet, ils étaient plusieurs et dispersés dans tout l'établissement. Parmi les victimes, un jeune adolescent mort dans un couloir de l'annexe avec deux balles au côté droit.

- En effet Jean-Pierre, comme on peut le voir sur cette photo, on voit le jeune homme recroquevillé par terre dans un bain de sang. Il est mort sur le coup. Mais une chose choque voir impressionne les téléspectateurs. C'est qu'il a presque l'air de dormir avec ce sourire d’ange au lèvre. Peut-être, ne savait-il pas qu’il allait atteindre les portes du paradis ?"

Troisième nouvelle:

Aube

-Allumeeeezzz le feu !

Christian se réveilla en sursaut, comme chaque matin. Comme chaque matin, il se demanda pourquoi diable il avait choisi cette musique entre toutes pour lui servir de réveil. Et comme chaque matin, il parvint à la conclusion qu'il valait mieux ne pas la changer, au risque de devoir ajouter une autre chanson à la liste de celles que l'on déteste pour la simple et bonne raison qu'elles vous ont servi de réveil.

Il bailla, ébouriffa ses cheveux d'un châtain indéfinissable, frotta ses yeux myopes et chercha du bout des doigts ses lunettes, avant de s'empresser de faire taire Johnny, qui commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Un matin tout ce qu’il y avait de plus banal. Et pourtant…et pourtant quelque chose d’indéfinissable flottait dans l’air, un soupçon de magie échappé du livre qu’il lisait et qui était encore posé sur la table, peut-être. Rien qui ne puisse s’expliquer autrement que par le parfum inodore dont Christian emplit ses poumons. C’était une belle journée.

Après avoir pioché au hasard dans sa penderie un t-shirt et un short, et s’être assuré qu’ils ne juraient pas trop, il descendit à la cuisine, gratifia sa mère d’un sempiternel « S’lut M’man », avala une tartine et un café au lait. Malgré ces gestes répétitifs et ordinaires, le sentiment que quelque chose qui sortait de son ordinaire monotone allait arriver ne le quittait pas. Tout lui semblait neuf, tout brillait d’un éclat inhabituel, et même le soleil qui dardait ses rayons entre les palmiers chétifs qui bordaient son jardin semblait être plus déterminé que d’ordinaire.

C’est là qu’il l’entendit. Comme un murmure proféré dans une langue qui glissait sur ses oreilles, sans parvenir à réellement y entrer. Il haussa ses épaules, musclées enfin après les mois passés à la salle à prier tous les dieux qu’il connaissait pour s’étoffer un peu, et dut se résoudre à accepter l’évidence : c’était son imagination débordante qui faisait encore des siennes.

Cependant, alors qu’il tentait de se remettre de ses émotions en passant machinalement sa brosse à dents sur l’émail blanc débarrassé depuis quelques mois de ses bagues, un autre phénomène étrange survint. Entre deux clignements d’yeux, il lui sembla que ses cheveux prenaient une teinte argentée. La vision disparut au bout de quelques secondes. C’était assez pourtant pour que Christian recrache le liquide mentholé qui emplissait sa bouche et observe, interdit, ses poils capillaires. A son grand soulagement, ou déception, il ne savait plus trop, ses cheveux gardèrent leur teinte maronâtre. Il força sa respiration à se calmer. Encore son imagination ?! Le soleil se reflétant sur ses cheveux momentanément argent lui avait pourtant paru tellement réel ! Son regard se troubla. Non pas sous l’effet de quelconques larmes, bien sûr. A quasiment 17 ans, il avait largement passe l’âge ou l’on pleure encore de joie devant un phénomène qui parait quasi… surnaturel. Non. Pas des larmes. Mais alors ? Intrigué, Christian enleva ses lunettes. Il hoqueta sous la surprise. Pour la première fois de sa vie, ou du moins d’aussi loin que remontaient ses souvenirs, il voyait clair sans artifices. Il regarda un moment ses propres yeux dans le miroir, observant son regard vert d’eau délivré enfin de ce voile qui l’obligeait à mettre tous les jours des lentilles, ou, quand comme aujourd’hui il avait oublié d’en racheter, ses grosses lunettes qui lui donnaient l’air d’une chouette…

-CHRISTIAN ! Qu’est-ce que tu fais ? Le bus part dans deux minutes !

La voix discordante de sa chère sœur le ramena à lui. Ce qu’elle pouvait être fatigante. En même temps, elle avait raison, il avait cours. Eh oui, avait-il envie de hurler à la face de ses amis restés en France, en trainant les pieds derrière son clone féminin de 3 ans sa cadette, eh oui, même en Malaisie, en Terminale S, on travaille ! Le fait d’être « fils d’expat’ » faisait souvent penser aux

métropolitains qu’il passait sa vie à somnoler au bord d’une piscine, mâchonnant vaguement un crayon en tentant de prouver que deux et deux font quatre ; malheureusement, comme tous les stéréotypes, celui-ci était risible. Ce n’était pas pour rien que sa peau restait désespérément blanche.

Dans le bus, il enfonça ostensiblement ses écouteurs dans ses oreilles, au cas ou quelqu’un aurait voulu lui adresser la parole. D’habitude, les autres le laissaient tranquille, occupés eux aussi à regarder avec attention dans le vide au travers des vitres grisâtres, tentant de se remettre du réveil trop matinal. Pas ce matin. Christian ne fut même pas surpris d’entendre au travers de sa musique une voix inconnue. Par politesse, il enleva un écouteur, gardant pourtant l’autre pour signifier qu’il ne le faisait QUE par politesse. Une jolie blonde tentait de communiquer avec lui. Le plus étrange était qu’il ne l’avait jamais vue. Dans un si petit lycée, c’était peu commun, d’autant plus qu’elle n’était vraiment pas mal…

-Christian, Ouh ouh ? Tu m’écoutes ? Reprit la blonde

-Excuse-moi, on se connait ? Fit-il, légèrement désarçonné

-Tu es sérieux ? On est dans la même classe depuis septembre ! Voyant l’interrogation dans son regard, elle continua, C’est moi, Maelle ! La fille qui habite à deux rues de chez toi et chez qui tu es venu réviser l’interro de chinois ! Ça te revient ?

- Je me payais ta tête, fit Christian, qui ne voyait toujours pas qui était cette Maelle, malgré le remue-ménage qu’il faisait dans ses souvenirs.

Maelle parut satisfaite de sa réponse, et éclata de rire :

-Tu n’as pas mis tes lunettes ?

-Euh, non, mon…stock de lentilles s’est miraculeusement reconstitué…

Christian, un peu gêné, ne voyait vraiment pas comment il aurait pu oublier pareille fille ! Plus il la regardait, plus il s’étonnait que ses cheveux d’or s’accordent si bien avec ses yeux bleus abyssaux, dans lesquels il avait l’impression de sombrer. C’était à vrai dire l’apparition la plus magique de cette journée ! Et pourtant, quelque-chose lui disait que ce ne serait pas la dernière.

Le reste du trajet passa sans qu’il s’en rende compte, noyé dans les yeux bleus de son interlocutrice, plus véritablement certain qu’il s’agisse d’une parfaite inconnue. Il lui semblait l’avoir toujours connue, et cependant jamais rencontrée. Sentiment étrange par excellence. Il ne put ainsi retenir un soupir de soulagement, quand, tel un marin voyant la terre quittée après des mois en mer, il aperçu l’annexe a travers les vitres sales du bus. Enfin un paysage connu dans cette matinée qui échappait à la normalité ! Comme chaque matin, il mit le pied hors du minibus orange dès que celui-ci s’arrêta. Son cœur rata un battement.

Le silence. Ce fut la première chose qu’il remarqua. Un silence, comme une chappe de mort, avait recouvert le lycée normalement si animé. Aucun singe ne criaillait, aucun primaire ne courait, aucun lycéen ne se faisait une bise matinale. Aucun bruit de circulation. Le vent même semblait à cours de souffle. Rien d’autre que la glaçante symphonie du silence qui resonnait à ses oreilles. Un pressentiment s’empara de lui, alors qu’une sueur froide glissait le long de son échine. Lentement, il pivota. Il n’était plus que frisson. Son cœur s’arrêta une nouvelle fois. En lieu et place du bus orange

qui était quelques instants auparavant derrière lui, rempli de monde, il n’y avait que le vide. Plus de Maelle, plus personne. Il était seul. Il cria, ou plutôt voulut crier, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

La voix qu’il avait entendue plus tôt dans la matinée, sortie du silence, ou plutôt chantée par ce dernier, se pressa de nouveau à ses oreilles. Mélodieuse et rauque, râpeuse et chantante. Inquiétante et merveilleuse. Une langue inconnue, et qui pourtant, sans qu’il ne sache comment, faisait sens. Sans les voir, il sentit ses cheveux prendre une teinte argent.

Guidé par le murmure ondulant, comme en transe, il monta les escaliers autrefois blancs de l’annexe, déambula dans les couloirs déserts, ne s’arrêta pas devant les filtres des fontaines à eau, sombres au point où c’en était inquiétant, ni devant les palmiers qui semblaient plus vivants que jamais dans cet environnement mort. Arrivé devant la salle AE-2-202, il s’arrêta, brusquement, sans réellement savoir pourquoi mais parce qu’il était sûr que c’était là que se trouvaient les réponses. Toutes les réponses. Il plongea son regard dans le miroir sans teint de la baie vitrée qui recouvrait un mur de la classe, regardant au travers de ses cheveux d’argent liquide, de ses yeux verts d’eau dans son visage nouvellement dur, sans rien ne détailler ni voir. Il écoutait la voix et l’environnement paisible comme un désert arctique, cherchant à briser le voile qui recouvrait la réalité depuis l’aube. Un rayon de soleil, une lame éblouissante, frappa la surface réfléchissante et l’éblouit. Il resta de marbre. Il lui sembla que le murmure s’amplifiait, que tout son être n’était plus gouverné que par ce chant, qu’il incarnait cette réalité qui se délitait en cette journée étrange. Puis, il entendit distinctement une voix se détacher du murmure. « Avance »

Il touchait déjà presque la vitre, et cependant il fit un pas en avant. Sans rencontrer le verre. Etonné, il regarda vers le bas, là où sa jambe aurait dû buter contre la surface réfléchissante. Là où était sa jambe. Son pouls accéléra, mais le murmure le rassura. Rasséréné, il avança dans la vitre, comme s’il ne s’agissait que d’un frêle voile opaque.

Derrière le verre, à l’endroit où aurait dû se trouver la salle, il n’y avait que les ténèbres, habitées seulement par le murmure qui le poussait à avancer. Il lui semblait n’avoir jamais rien vécu d’autre que cette journée, ou plutôt de s’être éveillé d’un long rêve. Il se retourna, mais la vitre n’était plus là. Le contraire l’aurait étonné. Il ne touchait rien, il flottait dans cette sombre clarté gazeuse qui l’entourait. Et puis, il ne fut plus seul.

Il sentit avant de les voir une chevelure blonde plantée sur un corps de rêve gouverné par deux yeux d’un bleu abyssal. Il aurait du se douter qu’elle avait quelque chose a voir avec cette histoire. Il remit en place ses cheveux argent - avaient-ils jamais été d’une autre couleur ? – Et essaya de sourire. Elle avait amené avec elle une pâle lumière, comme volée au jour.

« -Maelle, murmura-t-il d’une voix mal assurée

* Je ne m’appelle pas Maelle, et tu ne t’appelles pas Christian. Il faut que tu te réveilles Atrakaj, ta mère est folle de douleur ! Sors de ce rêve !

* Que, que, comment ?

* Ça fait 17 jours que tu erres dans les limbes, Atrakaj, tu risques de t’y perdre ! Reviens dans notre monde, quitte cette vie de songes !

* Qu’est-ce que tu racontes ??

* Tu ne te souviens de rien ? Le Strikit t’a blessé quand tu te battais contre lui ! Ça fait plus de deux semaines que tu es dans le coma ! Tu vas finir par t’y perdre comme les autres !

* Tu veux dire que toute ma vie n’est qu’un rêve ?

* Je veux dire que ta vie n’est pas ici. »

La jeune fille fit un pas vers Christian, ou plutôt Atrakaj, et déposa ses lèvres sur celles du garçon. Les ténèbres refluèrent.

-Allumeeeezzz le feu !

Christian se réveilla en sursaut, comme chaque matin. Comme chaque matin, il se demanda pourquoi diable il avait choisi cette musique entre toutes pour lui servir de réveil. Et comme chaque matin, il parvint à la conclusion qu'il valait mieux ne pas la changer, au risque de devoir ajouter une autre chanson à la liste de celles que l'on déteste pour la simple et bonne raison qu'elles vous ont servi de réveil.

Il chercha du bout des doigts ses lunettes, et massa son crâne. Il avait fait un rêve étrange, dont les lambeaux qui lui restaient s’étiolaient au fur et à mesure que passaient les minutes. Seule, une image lui restait. Une jolie blonde qui l’embrassait. Une larme coula sur sa joue.

Deux femmes étaient assises en tailleur autour d’un corps étendu. La plus jeune pleurait éperdument, à longs sanglots, derrière ses cheveux blonds. La seconde, de plusieurs années son ainée, regardait avec une affliction qui suintait à travers son visage normalement fermé le corps de son fils. Les courts cheveux argent de ce dernier reflétaient encore les deux soleils, mais il était sans vie.

« -Je suis désolée, je n’ai rien pu faire pour le ramener…il était déjà trop tard, commença la jeune fille blonde, d’une voix saccadée

* Tu n’as rien à te reprocher, Maelys, même mon chant n’a rien pu faire. Il était déjà trop loin dans les limbes, comme tant d’autres avant lui. Nous n’avons plus qu’a lui souhaiter bonne chance dans ce nouveau monde. »

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